L’alerte de pollution de l’air sans mesure exécutoire ne suffirait pas à protéger la santé publique

Communiqué

7 févr. 2019

Le programme d’alerte sur la qualité de l’air de Toronto a eu peu d’effet en ce qui concerne la protection de la santé du public contre la pollution de l’air de 2003 à 2012, selon le rapport d’une nouvelle recherche dirigée par des scientifiques de Santé publique Ontario (SPO).

Le rapport de l'étude d’observation (en anglais) portant sur 2,6 millions de personnes a été publié dans la revue The Lancet Planetary Health (en anglais). À Toronto, le niveau de pollution de l’air va de faible à modéré, mais il y a couramment des pics. Ces jours-là, les responsables diffusent des alertes sur la qualité de l’air pour avertir le public et l’inciter à réduire les activités physiques extérieures. Le programme est fondé sur des campagnes d’information (avis en ligne et couverture médiatique), plutôt que sur des mesures publiques exécutoires. Ce type de programme est utilisé ailleurs où les niveaux de pollution de l’air sont semblables, y compris au R.-U., dans beaucoup de pays européens et aux É.-U. Toutefois, il y a peu de données probantes sur la question de savoir si les alertes de ce genre ont entraîné des améliorations de la santé publique.

Les auteurs du rapport d’étude suggèrent qu’on pourrait traiter plus efficacement les problèmes de pollution de l’air au moyen de mesures collectives exécutoires. Elles pourraient comprendre des améliorations de l’aménagement des villes et des transports ainsi que des normes améliorées en matière de carburants et de contrôle des émissions (surtout en ce qui concerne la production d’énergie et les industries qui contribuent beaucoup à la pollution de l’air), par opposition aux avis ciblant les personnes, laissant à ces dernières le soin de se protéger des effets nocifs de la pollution de l’air.

« Au cours des dernières décennies, la qualité de l’air ambiant s’est améliorée dans bien des régions, mais les pics occasionnels de pollution de l’air demeurent courants dans les pays à revenu élevé. Ces augmentations peuvent avoir beaucoup d’effets nocifs sur la santé; en réaction, des organismes gouvernementaux ont mis en œuvre des programmes d’alerte sur la qualité de l’air pour informer le public des dangers possibles », dit l’auteur principal, le Dr Hong Chen, scientifique en santé environnementale et en santé au travail de SPO et de l’Institute for Clinical Evaluative Sciences (ICES). « Ces programmes jouent un rôle central dans la réaction publique à la pollution de l’air, mais on en sait peu sur leur efficacité pour ce qui est de réduire les risques sanitaires qui y sont associés. Notre étude est la première à évaluer leur efficacité de façon exhaustive. »

L’étude portait sur les dossiers de santé d’environ 2,6 millions de personnes qui ont habité Toronto de 2003 à 2012, ainsi que sur la qualité de l’air et sur les jours où des alertes ont été diffusées pendant la même période. Après avoir combiné ces données, les auteurs ont estimé le nombre de décès liés à une maladie cardiovasculaire ou respiratoire et le nombre d’hospitalisations liées à l’asthme, à une crise ou insuffisance cardiaque, à un accident vasculaire cérébral ou à la maladie pulmonaire obstructive chronique les jours où le niveau de pollution était élevé et où des avertissements sur la qualité de l’air avaient été diffusés ou non. Cela leur a permis de modéliser l’effet des alertes diffusées les jours où les niveaux de pollution étaient semblables.

L’étude ne tenait pas compte du fait que les gens réduisaient ou non leurs activités physiques extérieures comme le recommandaient les alertes sur la qualité de l’air.

Des alertes étaient diffusées lorsqu’on prévoyait que l’air serait de mauvaise qualité (indice de la qualité de l’air de 50 ou plus) et que les niveaux d’ozone ou de matières particulaires seraient vraisemblablement persistants et généralisés. Cependant, des changements imprévus dans la qualité de l’air rendaient certaines prévisions inexactes; c’est-à-dire que parfois, des alertes n’étaient pas diffusées alors que la pollution dépassait le niveau de déclenchement, ou elles étaient diffusées alors que la pollution était inférieure à ce niveau.

Du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2012, il y a eu 41 jours où la qualité de l’air était supérieure au niveau de déclenchement, et des alertes ont été diffusées pour 62 jours.

Les auteurs ont modélisé les données disponibles pour estimer les effets possibles les jours où les niveaux de pollution dépassaient le niveau de déclenchement et où des alertes ont été diffusées. Ils ont estimé que les alertes étaient associées à une réduction d’environ 25 % des admissions aux services des urgences attribuables à l’asthme, soit 4,73 de moins par million de personnes par jour. Toutefois, l’étude a conclu que les alertes sur la qualité de l’air n’avaient pas réduit le nombre de décès attribuables à une maladie cardiovasculaire ou respiratoire, ni celui des admissions à l’hôpital ou aux services des urgences liées à une maladie cardiovasculaire.

Selon les auteurs, cela pourrait s’expliquer par le fait que les personnes atteintes de ces troubles sont susceptibles de passer beaucoup de temps à l’intérieur de toute façon et que, par conséquent, la recommandation de demeurer à l’intérieur pourrait avoir moins d’effet sur elles. Dans ce cas, l’obligation d’améliorer la qualité de l’air en plus des alertes pourrait être importante dans l’intérêt de toutes les personnes menacées par l’air pollué.

Les auteurs ajoutent que, vraisemblablement, les mesures mettant l’accent uniquement sur les jours où les niveaux de pollution sont les plus élevés ne contribuent pas à atténuer les effets les plus nocifs de la pollution de l’air, étant donné le rôle de l’exposition à long terme à cette pollution comme facteur de risque pour le cancer et pour les maladies cardiovasculaires et respiratoires.

« La pollution de l’air est un problème sociétal qu’on peut traiter plus efficacement au moyen de mesures exécutoires qui réduisent les polluants atmosphériques que nous respirons tous les jours, et ce pas uniquement les jours où la pollution de l’air est la plus élevée. À l’échelle mondiale, les programmes d’alerte sur la qualité de l’air représentent une des plus courantes mesures publiques visant à protéger la population de la pollution de l’air, mais les résultats de notre étude indiquent que ces programmes offrent une protection inadéquate pour la santé publique. Cela souligne la nécessité de mettre en œuvre des mesures publiques exécutoires afin de réduire la pollution de l’air »

— Dr Hong Chen, Scientifique

Les auteurs donnent comme exemple Santiago (Chili), où la pollution de l’air est beaucoup plus élevée qu’à Toronto et où des mesures exécutoires de réduction de cette pollution (comme des restrictions temporaires touchant la conduite, l’exploitation des usines ou la combustion de carburants fossiles) sont appliquées les jours d’alerte. Une étude antérieure suggère que ces mesures pourraient contribuer à prévenir 20 décès par million de personnes par jour, et les mesures entraînaient une réduction de 20 % de la pollution de l’air les jours d’alerte, par comparaison aux jours où la pollution était semblable mais où il n’y avait pas d’alerte.

Les auteurs mentionnent certaines limitations : notamment, l’étude ne tient compte que des résultats les plus graves les jours de pollution élevée, à l’exclusion des faibles variations des symptômes causés par la pollution qui ne motiveraient pas les gens à se rendre à l’hôpital. Les auteurs signalent également qu’ils ne peuvent exclure la possibilité que les résultats relatifs aux hospitalisations attribuables à l’asthme soient aléatoires, étant donné le nombre de liens étudiés au cours de la recherche.

Bien qu’on ignore si l’on peut appliquer ces résultats concernant un pays où la pollution de l’air est faible ou modérée à des pays où elle est très élevée, comme la Chine ou l’Inde, les auteurs indiquent que les conclusions pourraient être pertinentes pour les villes de nombreuses régions d’Europe et d’Amérique du Nord.

L’étude a été financée par SPO et les Instituts de recherche en santé du Canada. Elle a été réalisée par des chercheurs de SPO, de l’ICES, de l’Université de Toronto (en anglais), de l’Université McGill, du ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique de l’Ontario et de l’Université de la Californie (en anglais).

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Mis à jour le 7 févr. 2019